Vivre dans un pays tropical… en été !

Article : Vivre dans un pays tropical… en été !
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9 août 2021

Vivre dans un pays tropical… en été !

Chaque jour c’est pareil. Une chaleur vive monte de mon corps et me fait perdre tous mes moyens. Dans un pays tropical comme Haïti, le soleil n’aide pas. Au contraire, sans relâche, toujours à l’heure, il pointe son noyau de feu à l’horizon et c’est parti pour une journée pleine de brillance, aveuglante et au combien accablante. Dans les pays tempérés, un peu de chaleur est une aubaine, un luxe que certains foyers ne parviennent pas à s’offrir dans les moments froids de l’hiver. Les plus chanceux prennent des congés pour partir dans les Caraïbes ou une de ces destinations idylliques où le soleil est au rendez-vous presque toute l’année. Quoi de mieux, diriez-vous que la vie sous les tropiques ? Avoir le soleil pour soi, ne pas distinguer les saisons, ne pas devoir se fournir en manteaux, gants, bottes et autres accessoires nécessaires et indispensables pour passer un hiver bien au chaud est un rêve pour ceux qui n’aiment pas les saisons froides. Plus de dépenses à faire pour s’équiper en vêtements, ni pour se chauffer ! Vive les pays tropicaux, hein ?

Si Charles Aznavour chante :

« Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil »

dans son titre Emmenez-moi, en réalité, il n’en est pas toujours ainsi. Il nous semble au contraire que le soleil nous punit, nous crucifie sur la croix de la misère. Il faut dire que tout n’est pas toujours rose sous les tropiques. Les pays tropicaux des Caraïbes en particulier font face à des problèmes de développement et à un lourd passé colonial, en plus, pays tropical, ça rime aussi avec tempêtes tropicales. Et bonjour les dégâts ! Y a qu’à voir les ouragans, et autres cyclones dotés de noms de toutes sortes qui s’abattent pendant la période cyclonique sur les pays de la Caraïbes. Comme si on n’avait que ça à gérer! 

Et la chaleur !

Oui ! Cette chaleur qui oppresse et qui accable. Impossible de réfléchir sous ce soleil qui nous foudroie impitoyablement de ses rayons. Pas le temps de se précipiter non plus : l’heure attendra. Le temps file lentement sous nos yeux, alors qu’il glisse rapidement entre nos doigts. De toute façon avec cette chaleur, il y est bien obligé, voyez-vous ? Il fait comme tout le monde le temps. Il alourdit le pas. Il courbe l’échine et se plie presque. Il laisse perler les gouttes de sueurs sur son front pour les chasser comme on chasse un mauvais souvenir, d’un trait. Ou plutôt d’une main déjà moite. Il cherche à tout prix l’ombre sous lequel il pourrait s’abriter. Pour faire une pause. OUFF… Il démissionnera sous peu. Y en a marre ! Ce pays de feu vit en marge de la vie moderne, en dehors du temps, donc pas la peine d’y rester. Le Temps fuira de ces lieux infernaux pour ne plus jamais revenir. Avec une chaleur pareille, c’est quasi certain !

Child sweating by giphy

La chaleur entraine la mollesse. La mollesse, la paresse. La paresse engendre la torpeur. Et on languit… On gémit… On se laisse abattre comme des chiens errants qui n’ont nulle part où se réfugier contre cette boule de feu. Et, en effet, beaucoup trop de personnes incarnent ces chiens errants qui n’ont nulle part où aller dans nos villes. On les voit déambuler dans les rues, sans but précis, se laissant aller au gré de leur faim ou de leurs envies meurtrières. Le premier nourrit le second.

Indubitablement, l’enfer est ici. On a le feu, le soufre, sans oublier… nos démons –je ne préciserai pas. Et le cycle continue. On languit… On gémit… Ensuite, le sommeil pointe sa tronche en pleine journée… Alors qu’on n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Il alourdit les paupières pour plonger l’esprit dans une langueur qui n’en finit pas. Mais lui non plus il ne risque pas de s’éterniser par ici. Parce qu’il est impossible de dormir en compagnie de cette chaleur. Pas de ventilos utilisables à part les ventilateurs rechargeables qui, pour la période estivale se vendent bien sur le marché.  De toute façon, même sous le ventilateur on verse toutes les larmes de ses pores ! C’en est presque peine perdue. Mais si vous avez la chance d’avoir la clim, alors là vous êtes sauvé (si on néglige les effets sur l’organisme et le danger pour l’environnement, mais bon, la fin du monde n’est pas pour demain, profitons !).

Et vous l’aurez compris, il n’y a pas d’électricité. Oui, en Haïti on paie aussi le black-out quotidien. C’est une règle et on est presque fiers de l’avoir inventée. Donc sans crainte d’être perturbée, la sueur fait son petit bonhomme de chemin dans votre dos, sur tout votre corps, en sillonne les moindres recoins jusqu’à faire pâlir votre amant tant il vous fait geindre ! Pas moyen de s’y soustraire. La chaleur se fait maitre des lieux.

Bain salvateur, mais en vain…                                                                           

Ô quelle délivrance ! Quel doux et intime plaisir ! Après une journée à pactiser avec la poussière, la chaleur, les pollutions sonores, la promiscuité dans les transports publics, sans compter les détritus qui jonchent le sol et avec lesquels on joue à la marelle, on a enfin droit à cet instant magique pour se chouchouter et se reconnecter à soi même. Bien que de courte durée. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un moment de grâce, d’une seconde bénie. Celle où la première goutte d’eau frôle et effleure gracieusement notre enveloppe charnelle. Pour la caresser et tenter (en vain ?) de lui faire oublier le contact de cette crasse qui voulait fusionner avec elle comme une seconde peau. Ainsi, chaque jour, je m’adonne à ce rituel si revigorant et je ne m’en lasse pas. Je fais l’amour avec l’eau. Je la veux partout. Je fais corps avec elle.  

Que ne ferions-nous donc pas pour pouvoir garder cette fraicheur avec soi plus longtemps. Elle imprègne le corps quelques minutes si vous avez de la chance. Mais ensuite la chaleur vous happe à nouveau. Peine perdue. Mais l’autre face du problème est peut-être la plus importante. Le fait est qu’on n’est jamais totalement propre dans ce pays –comme les mains de plus d’un dans les affaires de l’Etat. Jamais à l’abri de la saleté. Parce qu’elle s’insinue partout. Une seconde vous êtes propre, la fraction de seconde suivante vous ne l’êtes plus. Kòve ou ap fè ! * Parce que l’assainissement de l’environnement ne fait pas partie de nos priorités, comme plein d’autres secteurs dont on ne se soucie guère et qu’on laisse s’enliser dans l’anarchie et la médiocrité. Pour notre perte – pour les uns, bénéfices pour les autres !

De belles perspectives ?

Le point positif est qu’avec ce soleil, de belles opportunités s’offrent à nous, bien qu’on ne sache pas en profiter comme il le faudrait. A côté de l’énergie solaire qu’on peut utiliser pour produire l’électricité –qui nous fait défaut-, on peut tirer d’énormes profits en redynamisant le tourisme. Mais toujours faut-il que l’on cesse de compter les morts et que l’on s’accorde à regarder dans la même direction. Parce qu’en étant classé sur la liste noire des pays à ne SURTOUT pas visiter, personne ne risque de venir chercher l’évasion sous nos cocotiers et encore moins d’y investir un sou. Tâchons alors d’en finir avec nos luttes intestines pour pouvoir fièrement arborer le drapeau de l’union.

Déborah PEPE

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